Sorti en l'an 2000, Diablo 2 est un titre toujours populaire, avec une large communauté, même après plus de deux décennies. Bien peu de titres disposent d'une telle longévité, ce qui atteste de ses qualités. Mais il est indéniable que le jeu accuse tout de même lourdement le poids des années avec sa résolution 4:3 de 800 par 600 pixels. Et même si de nombreux mods permettent de l'améliorer et de modifier l'expérience de jeu, une pléthore de problèmes techniques limite ce qui peut être fait. Un remaster officiel était donc réclamé de longue date, et le voici enfin avec Diablo 2 Resurrected, livré par l'ancienne équipe de Vicarious Visions (Crash Bandicoot N. Sane Trilogy, Tony Hawk pro Skater 1+2) incorporée à Blizzard. Leur objectif est de moderniser le jeu tout en conservant l'essence et l'expérience originale, ce qui divise le public entre ceux qui considèrent que la recette d'origine doit être aussi peu altérée que possible, et ceux qui souhaitaient des changements et des équilibrages plus importants.
- Genre : Hack and Slash, Action-RPG
- Date de sortie : 23 septembre 2021
- Plateformes : PC, Switch, Xbox One, Xbox Series, PS4 & PS5
- Développeur : Blizzard
- Éditeur : Activision Blizzard
- Prix : 39,99€
- Testé sur : PC
Va chercher le Baal
Alors que le premier jeu Diablo sorti en 1996 est le fondateur du genre Hack and slash, Diablo 2 s'est avéré un immense pas en avant dans la consolidation du genre, avec cinq puis sept classes, des environnements variés, un équipement extensif, des tonnes de builds jouables, ainsi qu'une ambiance unique. Il est devenu le mètre étalon auquel sont comparés les jeux qui ont suivi, notamment Path of Exile ou Diablo 3. Nous n'allons pas nous étaler outre mesure sur le jeu, puisqu'il a déjà eu droit à son lot de tests, de re-tests et d'analyses approfondies. Pour mémoire, vous incarnez un des héros qui se lance à la poursuite du rôdeur noir, le héros de Diablo 1 possédé par le seigneur de la terreur après sa victoire au fin fond des Catacombes de la cathédrale de Tristram. Cela vous demandera de traverser différents actes et autant de régions du monde de Sanctuaire, d'affronter des hordes de monstres et de démons, et même de confronter les démons primordiaux avant de vaincre Diablo en Enfer. Un 5e et dernier acte vous emmène sur le sommet enneigé d'Arreat pour affronter Baal, le seigneur de la destruction qui cherche à corrompre la Pierre Monde.
Le gameplay de Diablo 2 est très simple et efficace : vous ne possédez au départ qu'une compétence, une barre de mana pour toutes les classes, et un rythme de jeu un peu plus lent que dans les jeux modernes. Sa complexité reposait davantage dans le choix du bon équipement et de quelques compétences précises plutôt que dans une multitude de capacités débloquées automatiquement à utiliser en combinaison, comme cela peut être le cas dans les titres modernes. Si on ajoute à tout cela un mode multijoueur "compétitif", le ladder, avec du contenu exclusif à l'époque, une immense rejouabilité basée sur les choix d'équipement extrêmement riches, et des objets à rechercher au (très) long terme, cela peut expliquer pourquoi il est toujours populaire. Mais, même au-delà de l'aspect technique, Diablo 2 n'est pas un jeu parfait : la conception de ses arbres de talents au départ était catastrophique, sans la possibilité de réattribuer ses points par exemple (cela a été corrigé ensuite). Les modes de difficulté supérieurs, Cauchemar et surtout Enfer, étaient aussi tout sauf intéressants pour les joueurs non-initiés dont le personnage devenait quasiment impuissant face aux combinaisons d'immunités : jouer en solo une Sorcière spécialisée dans les sorts de feu ou un Nécromancien poison pouvait donner envie de pleurer quand la majorité des ennemis sont insensibles à ces éléments. Et en multijoueur, il y avait aussi le gros problème de la triche sous différentes formes, encouragée par la structure du jeu, ainsi que des bugs jamais corrigés qui ont été intégrés dans la façon de jouer.
Diablo 2 Rez ou Rekted ?
À présent, le remaster entre en scène avec la lourde tâche de trouver le compromis gagnant entre préservation des racines, modernisation et réels changements. Le premier ainsi que le plus gros attrait du remaster est le nouveau moteur graphique en 3D, qui fonctionne par-dessus le vieux moteur en 2D. Sur ce point, il faut tirer notre chapeau à l'équipe de développement pour la prouesse technique, puisque le résultat ressemble davantage à un remake moderne et que sur ce point, Diablo 2 Resurrected n'a pas à rougir par rapport à la concurrence moderne. Il est aussi possible de passer de l'affichage moderne à celui old school d'une simple pression de touche, donc tout le monde est content. L'ambiance est très bien préservée avec le nouveau moteur : c'est glauque, sombre et sanglant, mais aussi chatoyant quand il le faut. Les nouveaux modèles des personnages ne sont pas toujours à notre goût, mais c'est quelque chose de vite oublié en vue isométrique, surtout avec les nouvelles résolutions qui nous donnent une vision bien plus éloignée et large de l'action. Le passage du ratio 4:3 au 16:9 et au-delà fait du bien, même s'il y a une limite imposée aux écrans les plus larges. Les cinématiques ont aussi droit à de nouvelles versions entièrement refaites, donc tout est propre. Et sur ce point, le jeu a presque l'air comme neuf, si ce n'est qu'il conserve cette patte graphique d'antan fort appropriée et qui a son charme.
Au niveau du gameplay, ce dernier est globalement inchangé : on notera surtout la prise en charge des manettes, qui va de soi avec le portage du jeu sur toutes les consoles actuelles. Comme nous l'avons testé sur PC, nous avons pu tester avec l'habituel combo clavier + souris, ainsi qu'à la manette pour comparer directement. Et ce que nous avons découvert, ou plutôt confirmé, nous a laissé dubitatif. Au combo clavier et souris, le jeu utilise toujours la vieille interface presque inchangée, qui n'est pas très pratique, puisqu'il faut attribuer les actions et compétences à un raccourci — les touches fonction F1 à F12 par défaut — mais cela ne les active pas directement, il faut ensuite utiliser le clic gauche ou le clic droit en plus pour les activer. Ici, point de barre d'action comme dans Diablo 3, ou comme dans n'importe quel jeu moderne, et c'est assez pénible. À la manette, ladite barre d'action est bien présente, la façon de lier les techniques à chaque touche n'est certes pas la plus intuitive au monde, mais une fois le système compris, c'est très simple et confortable. C'est juste un peu moins pratique de viser un ennemi précis, de gérer l'inventaire et le ramassage des objets qu'avec le curseur, mais rien de bien méchant, d'autant que des fonctionnalités supplémentaires de rangement de l'inventaire ont été intégrées, par exemple.
Le ramassage automatique de l'or (qui peut être désactivé) aide aussi dans ce domaine. Mais le drame est que cette nouvelle interface avec une barre d'action n'est tout simplement pas disponible au clavier et à la souris : et on peut simplement se demander pourquoi ? L'excuse de la préservation de l'expérience d'origine ne tient pas debout quand il suffit de brancher une manette pour jouer autrement. C'est malheureusement la première incohérence d'une longue liste, qui donne l'impression de s'installer dans une maison encore en chantier. Tout n'est pas terminé, et il faut espérer que tout cela sera réglé un jour. Autant dire qu'il vaut mieux y réfléchir à deux fois si vous comptez y jouer dès maintenant.
Même si Blizzard a fait savoir qu'il compte rester aussi fidèle que possible au jeu d'origine, des améliorations et modifications ont tout de même été faites en plus de la refonte graphique. Corrections de bugs, modernisation du jeu, gains de confort et autres, en voici les détails.
Tu n'arrives pas à trouver ton Zod ?
Les choses se gâtent dans certains domaines, en particulier celui des bugs. Des décisions assez arbitraires ont été prises : certains bugs qui permettaient de tricher de différentes façons — comme le "Weapon Switch Glitch" et "l'Ebug" — ont été supprimés. Seulement, d'autres, notamment le "Next Hit Always Misses", sont toujours présents, ce qui n'est pas forcément l'expérience "originale" recherchée. Certains choix de design douteux de l'époque n'ont pas non plus eu droit à des fonctionnalités modernes et facultatives pour les remplacer. De nos jours, il est généralement considéré qu'il ne faut pas forcer les joueurs à choisir entre le fun et les performances. Et les charmes sont l'incarnation de ce déplaisant choix cornélien, puisqu'il faut sacrifier de la place dans l'inventaire afin d'obtenir des bonus dans différents domaines.
C'est intéressant dans un rogue-like, mais pas dans Diablo où une grande partie du plaisir provient du fait de looter. Un inventaire dédié aux charmes aurait vraiment été appréciable. A contrario, on peut ramasser de moins en moins de choses en progressant, ce qui est d'autant plus frustrant en multijoueur en l'absence de butin individuel. L'espace dans le coffre a été étendu, mais il est toujours impossible d'empiler les gemmes et runes, ce qui force à déplacer à la main des dizaines d'objets, qui donnent davantage l'impression de gérer un parking de supermarché aux heures de pointe que l'inventaire d'un jeu moderne.
Dans la même veine, le contenu de haut niveau de Diablo 2 Resurrected risque de provoquer un véritable choc des générations, ou d'être une douloureuse prise de conscience pour les joueurs d'il y a 20 ans. Par rapport aux titres modernes, les activités de haut niveau sont plutôt limitées, du moins en PvE. Si vous n'aimez pas refaire des personnages et farmer des milliers de fois Baal pour atteindre le niveau 99, le jeu risque de s'avérer assez vite frustrant. Les objets les plus rares du jeu le sont vraiment, comme la rune Zod, que des joueurs enragés ne sont jamais parvenus à trouver légitimement en plusieurs années de jeu. Trouver cette rune sans tricher est comme gagner au loto dans la vie réelle. Pour beaucoup de joueurs, la triche sous ses différentes formes (botting, dupe) était devenu une façon légitime de jouer à cause de cela. Si vous n'êtes pas prêt à passer des années à farmer, vous n'allez probablement jamais trouver les objets que vous désirez. Les bots ainsi que les sites tiers risquent de devenir une nouvelle fois la solution pour beaucoup de joueurs.
Il y a bien les Uber bosses en défi à relever après avoir fait une troisième fois d'affilée la campagne du jeu en mode Enfer, mais ils ne sont pas pensés pour être refaits régulièrement, et il n'y a pas d'activité similaire ou comparable aux failles de Diablo 3 par exemple. Pour beaucoup d'anciens, la véritable activité de haut niveau de Diablo 2 est le joueur contre joueur. La richesse des builds et de l'équipement peut alors briller, mais ce n'est pas une activité à laquelle tout le monde a envie de participer. Le Ladder, l'équivalent dans Diablo 2 des saisons de Diablo 3, le thème en moins, devrait être lancé prochainement. Mais si on omet le classement, ce dernier ne diffère plus vraiment des autres modes de jeu, surtout que son contenu spécifique est à présent disponible dans le reste du jeu.
Les développeurs ont fait savoir qu'ils envisagent potentiellement d'intégrer certains des changements réclamés plus haut, et qui font douloureusement défaut dans un jeu de 2021. Mais il est pour le moins étrange de facturer près de 40 euros un remaster d'un jeu vieux de plus de 20 ans, et de le sortir sans l'avoir terminé, en promettant des mises à jour au fil du temps comme avec un nouveau titre ou un jeu à service. Cela donne l'impression que le jeu est sorti bien avant d'être prêt. Comme nous l'avons vu, pour plusieurs des nouvelles fonctionnalités, les joueurs peuvent choisir de les activer ou non, ce qui montre bien qu'en réalité la préservation de l'expérience d'origine ou non est un choix laissé au joueur, mais cela se transforme en excuse bien pratique pour expliquer l'absence des nombreuses fonctionnalités et éléments de conforts attendus dans un jeu moderne. Ironiquement, les nombreux projets de modding très ambitieux développés pour Diablo 2 au fil des ans parviennent à offrir ce que Diablo 2 Resurrected a omis : un rééquilibrage des compétences pour rendre plus de builds viables, mais aussi des objets, des ennemis, des modes de difficulté, etc. Et bien qu'avant la sortie, des promesses de gestion des mods sur Diablo 2 Resurrected furent faites, nous ne pouvons pas garantir que cela sera une option dans ce remaster, en particulier en ligne.
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