Après avoir écrit Diablo, Genèse et rédemption d'un titan, un livre pour le moins concluant, Benoît "Exserv" Reinier s'est attaqué à ce nouveau pilier du monde du jeu vidéo et de la culture populaire. La licence The Witcher nous est chère, que cela soit sous la forme des romans d'Andrzej Sapkowski, ou des jeux du studio CD Projekt Red qui s'en sont inspirés. Nous étions donc particulièrement curieux de découvrir ce qu'il nous réserve, puisque c'est à la fois un sujet qui nous est très familier, et sur lequel nous sommes toujours avide d'en savoir plus. Voici ce que nous en avons pensé.
- Pages : 256
- Format : 160 mm x 240 mm
- Auteur : Benoît Reinier
- Éditeur : ThirD éditions
- Prix : 29,90 € sur le site de l'éditeur
- Extrait gratuit
Le miracle polonais
Une fois encore, Exserv a réalisé un travail de documentation important pour écrire ce livre, c'est évident, même si comme nous allons le voir, même s'il n'a pas su éclaircir toutes les zones d'ombre ni suffisamment détailler certaines sections, il n'a néanmoins pas hésité à poser des questions qui peuvent fâcher aux développeurs de CD Projekt RED, avec des réponses à la clé. Et des questions difficiles, il y en avait pas mal. Après tout, la première section du livre est entièrement dédiée à la création et au parcourt du studio, qui n'était, au départ, composé que de deux adolescents, Marcin Iwiński et Michał Kiciński qui vendaient sous le manteau des jeux piratés, puis, qui se sont lancés dans l'import, puis la localisation, dont celle du fameux Baldur's Gate de BioWare, ce qui va ouvrir une relation de longue date entre le géant d'autrefois et la petite entreprise encore inconnue. Ces premiers pas parfois chancelants sont détaillés avec minutie, ce qui est un sujet intéressant vu que le passé du studio CD Projekt RED est bien moins connu, ainsi que bien moins documenté que celui de Blizzard par exemple.
La montée en puissance est assez fascinante, et il faut bien avouer que la transition de deux jeunes rêveurs qui ont grandi dans l'union-soviétique, à un énorme studio qui a créé un chef d’œuvre mondialement reconnu pourrait donner lieu à un film, comme d'autres géants américains y ont eu droit par le passé. Les négociations souvent houleuses avec les différents éditeurs sont mentionnées, ainsi que la relation à présent conflictuelle avec l'auteur, Andrzej Sapkowski qui a attaqué le studio en justice sont traités en détails. C'est aussi l'occasion d'en apprendre davantage sur le créateur de Géralt et de la licence au passage, ce dernier semble avoir un point de vu pour le moins conservateur sur les médias. C'est généralement très instructif, mais comme mentionné plus haut, il est dommage que certains points ne soient pas plus développés, comme les deux extensions prévues pour le premier jeu The Witcher, rangées aux oubliettes pour des raisons financières semble t'il.
Un point qui n'a pas été esquivé cependant est l'accusation selon laquelle le studio imposerait des horaires de travail abusives à ses équipes de développement. Avec des développeurs qui ont enchaîné les journées de travail et qui ne sont parfois pas rentrées chez elles durant de longues périodes lors du crunch. La chose a été reconnue et assumée par Marcin Iwiński et Michał Kiciński et sous le couvert de la passion, ce qui est probablement symptomatique du milieu, en bien comme en mal. Il est indéniable que cette culture combinée aux centaines d'employés que comptait l'équipe de The Witcher 3 (contre quelques dizaines pour le premier). Tout cela fait de cette première section une lecture instructive et une occasion de découvrir un milieu à la fois merveilleux et impitoyable.
The Witcher - TL;DR
La seconde section de L'ascension de The Witcher est assez inattendue. Elle présente en détails l'univers du Sorceleur, mais aussi ses principaux personnages, ainsi que l'histoire des romans, puis des trois jeux, chapitre par chapitre, avec certaines quêtes secondaires notables et leurs différents dénouements dévoilés. Cela concerne aussi les différentes issues et embranchements possibles pour les jeux. Très riche en spoilers, cette section massive du livre peut faire office d'excellent résumé pour ceux qui n'ont pas tout lu, qui n'ont pas joué aux jeux, ou qui ont tout simplement besoin que leur mémoire soit rafraîchie. Elle ne manque pas d'établir des liens entre les personnages et événements, et elle aurait certainement été la bienvenue juste avant de lancer pour la première fois The Witcher 3. Mais bizarrement, l'auteur semble avoir eu quelques scrupules déplacés, et il a délibérément choisi de ne pas spoiler certains faits et événements, alors que la fin des jeux et le sort des personnages (dont leur mort) est présente. C'est un peu incongru, mais peut être une tentative un peu maladroite d'inciter le lecteur à explorer cet univers par lui-même ensuite.
Cela reste dans tous les cas un bon condensé de l'histoire de la saga, et un bon moyen de découvrir les différences entre les livres et les jeux, et sur quels points ils finissent par se rejoindre après leur séparation initiale. Et en quoi la richesse et les possibilités offertes par cet univers ont inspiré le studio, à la fois dans l'approche scénaristique des trois jeux, mais aussi en termes de game design, dans sa dernière section.
Gwent design
C'est uniquement une fois l'univers bien encré dans nos mémoires, et après avoir conté l'histoire du jeune studio devenu un géant que le sujet qui nous intéressait le plus a finalement été abordé, le game design des jeux The Witcher. Les trois jeux, leurs versions enhanced et les extensions du troisième jeu sont passés en revue, ainsi que la façon dont le studio travaille par itération afin de toujours améliorer sa recette. Que cela soit des faux pas scénaristique, par exemple la collection de cartes de femmes avec lesquelles il était possible de coucher dans le premier, chose supprimée par la suite afin de laisser plus de place à de vraies romances et à un univers toujours plus mature. Où encore, les évolutions du système de combat au fil des épisodes qui s'est éloigné du père du genre (Baldur's Gate) afin de se rapprocher avec plus ou moins de succès des Dark Souls par exemple, du moins, telle était l'intention des développeurs. Les déboires du système d'inventaire, ou l'origine des points d'intérêt sans intérêt au milieu des mers de Skellige sont autant d'éléments fascinants à découvrir en tant que joueur (et que personne qui a du tester le jeu ensuite sur le site). La place des mini-jeux et du Gwent dans l'histoire sont évidemment mentionnés, mais une fois encore, cela manquait d'anecdotes et d'informations approfondies sur leur intégration. Tout cela forme ce que nous avions le plus envie de lire. Malheureusement, nous avons trouvé cette section trop courte par rapport aux autres, ce qui est un peu décevant.
On retiendra surtout de cette section la manière dont ils ont souhaité illustrer l'univers écrit de The Witcher, pour en faire une œuvre interactive avec des éléments visuels et sonores d'inspiration slave, ainsi que les concessions qui ont du être faites au profit du gameplay par exemple. Puis la façon dont le studio s'est inspiré de la concurrence, avant de servir de source d'inspiration pour d'autres, comme BioWare et Ubisoft.
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